Maîtres anonymes

Les personnes qui m’ont le plus appris, qui m’ont le plus impressionnée, ne sont pas connues ni reconnues. Elles sont invisibles aux yeux du grand public. En agissant de manière parfaite au moment parfait, puis en s’évaporant sans rien demander, sans même me regarder, elles ont joué leur rôle de maîtres authentiques. Elles ont assuré. C’est à cela que je peux les reconnaître, surtout lorsque je ne les remarque pas alors qu’elles sont juste devant moi. Comme tout phénomène réel, elles sont apparues et ont disparu. Comme toute vérité, elles ont planté un éternel mouvement de vie dans l’éphémère moment présent.

Ceux que j’appelle mes professeurs, mes enseignants, et qui le restent comme des diplômes encadrés, m’ont appris d’autres choses : des savoirs, des savoir-faire, des connaissances, des compétences, tout ce qui m’a permis de devenir quelqu’un que l’on peut remarquer, solliciter ou exploiter pour ses qualités.

Les maîtres anonymes ne m’appartiennent pas comme ils m’ont appris à ne pas leur appartenir. Ils m’ont généreusement soufflé l’inspiration de la maîtrise du soi, ils m’ont silencieusement inspiré le souffle maître de vie. Comment retenir l’inexprimable inspir, l’insaisissable expir ? La véritable respiration se gagne et se perd à chaque nouvelle répétition. Les maîtres par leur essence extraordinairement ordinaire m’ont enseigné les vanités du visible, les trésors de l’invisible, les qualités de mes défauts. Ils se sont évanouis en étant déjà là avant leur arrivée et encore là après leur départ. Leur double nature intérieure-extérieure les rend immuables.

Les véritables maîtres m’ont montré qui ils étaient en taisant leur nom et leurs actes bénéfiques, en laissant à distance les critiques des ignorants. J’ai découvert leur action en en recueillant le fruit sans savoir d’où il provenait. La vie s’est ensuite chargée de m’indiquer au hasard d’un regard le sillon lumineux de leur passage anonyme.

Thi Bich

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