Archives mensuelles : août 2018

Se détacher des liens obsessionnels

Son ex, un proche disparu, une chanson, un regret, sa mère, son père, une remarque humiliante, un sentiment de culpabilité, un moment d’extase… qui tournent en boucle dans notre tête. Comment arrêter ces pensées obsessionnelles, et les sentiments de frustration, d’impuissance, de rage, de tristesse, de désespoir, qui les accompagnent ?

C’est étrange, on dirait que c’est plus ou moins la même depuis notre enfance. Une pensée unique qui reste scotchée comme un paquet de glu sur notre crâne, dans notre ventre ou sous nos pieds. Avec éventuellement quelques variantes, mais c’est bien la même énergie qui traverse le temps et l’espace pour nous emprisonner dans notre propre tête, comme une casserole attachée autour du cou.

Et si, contrairement aux apparences, la persistance de la pensée obsessionnelle nous indiquait qu’il s’agit là d’une thématique de vie fondamentale que nous n’arrivons pas à voir ? Plus nous sommes liés, plus nous serions proches de la racine du problème. Quelle chance alors d’avoir sous nos yeux, écrite noir sur blanc, répétée sur des pages et des pages, la solution à notre souci. Car oui, tout problème ou toute question comprend déjà en soi sa solution ou sa réponse. C’est comme les maladies qui peuvent être comprises comme une agression extérieure ou une alerte de dysfonctionnement, dans ce dernier cas elles surviennent pour nous guérir ou nous encourager à trouver les bons moyens pour avancer. Mais souvent, pris de panique, nous nous précipitons pour détruire la pathologie, effaçant son message et étouffant nos capacités d’autorégulation.

Appréhender la situation avec un autre point de vue. D’un peu plus haut, d’un peu plus loin, pour avoir un panorama plus large et découvrir que le monde est plus vaste que ce que l’on croyait. Toutefois, avant de grimper en hauteur, il vaut mieux d’abord calmer l’émotionnel, ralentir le flux mental, se relaxer un minimum. Pas la peine d’escalader la montagne avec des chaussures glissantes et des bras tremblotants, on prend un peu de temps pour se préparer. Pas trop parce qu’on n’est pas non plus obligé de choisir le mont Everest, on peut faire le même travail avec la petite colline d’à côté. Cela veut dire qu’on peut choisir une sensation facile et suivre avec attention son évolution, utiliser notre bon sens avec des phrases de réconfort simples (par exemple, un des quatre accords toltèques) et ainsi prendre concrètement du recul. C’est grave et ce n’est pas grave en même temps. « Quoi qu’il arrive, je n’en fais pas une affaire personnelle », « je fais de mon mieux » et « je n’interprète pas ». Et je me traite de manière douce et respectueuse avant de lancer mes répliques à l’extérieur, de manière ferme mais factuelle, pour « une parole impeccable ».

Le retour à soi et en particulier à ses sensations corporelles, dans une agitation bouillonnante qui s’apaise avec les minutes de silence et d’immobilité où l’on ne fait que s’observer, comme si l’on suivait une star dans un film de cinéma, permet de laisser s’échapper la vapeur de la cocotte mentale et de réduire le feu des émotions.

Patience, prendre le temps de ressentir les remous intérieurs un à un, celui qui est le plus tangible, juste là, maintenant. Et lorsqu’il se dissout (après tout, ce n’est que de l’écume), continuer avec le suivant, qui peut tout à fait être le même (une vague ressemble aux autres vagues). Avoir confiance dans le processus qui ne reste jamais figé, c’est nous qui le figeons avec notre peur qui nous fait nous cramponner à nos souffrances. Se laisser couler dans la situation inextricable, comme de l’eau dans le flux de la vie. Tout ce qui vit change. On n’a pas besoin de faire d’efforts pour se détacher des pensées obsessionnelles, au contraire cela les renforcerait. On a juste à les laisser vivre leur vie. On pourra alors plus facilement vivre la nôtre.

C’est le fait de nous observer vivre pleinement les épreuves liées aux pensées obsessionnelles qui les dissoudra dans le vaste espace de la conscience.

Thi Bich